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Basculements. Mondes émergents, possibles désirables .

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Message par Catharing Sam 19 Juin 2021 - 19:51

Salut,

Jérôme Baschet est historien. Il a été enseignant-chercheur à l'EHESS (Paris) pendant plus de 25 ans et est actuellement professeur à l'Universidad Autonoma de Chiapas, au Mexique. D'abord spécialiste de l'Occident médiéval et de ses représentations, son travail a été profondément modifié par la rencontre avec les luttes contemporaines au Mexique et en particulier avec l'expérience rebelle zapatiste.

Il est notamment l'auteur de La civilisation féodale. De l’an mil à la colonisation de l’Amérique, Champs-Flammarion, 4ème édition revue et augmentée, 2018) ; Adieux au capitalisme. Autonomie, société du bien vivre et multiplicité des mondes (La Découverte, réédition poche, 2016) ; Défaire la tyrannie du présent. Temporalités émergentes et futurs inédits (La Découverte, 2018) et La rébellion zapatiste. Insurrection indienne et résistance planétaire (Champs-Flammarion, nouvelle édition mise à jour, 2019).

Basculements. Mondes émergents, possibles désirables . 9782348066733

https://www.nonfiction.fr/article-10830-la-fin-du-monde-un-objet-geohistorique.htm

Dans votre dernier ouvrage Basculements. Mondes émergents, possibles désirables, vous critiquez l’aspect téléologique et dépolitisé da la notion d’ « effondrement » à laquelle vous préférez celle de « basculement ».

Quelles différences faites-vous entre les deux termes ?


Je fais la critique de la notion d'effondrement telle qu'elle a été développée par les « collapsologues », principalement Pablo Servigne et Raphaël Stevens.
Cette notion ne manque pas de force : elle exprime bien l'ampleur des bouleversements auxquels nous sommes confrontés et elle parvient à susciter des réactions émotionnelles puissantes, susceptibles de faire bifurquer des trajectoires de vie, jusqu'au renoncement professionnel et à la désadhésion vis-à-vis des conduites sociales habituelles. Cependant, l'usage que les collapsologues font de cette notion introduit de nombreux biais qui prêtent le flanc à la critique.

Malgré certaines précautions vite oubliées et quelques repentirs tardifs, le discours qu'ils ont diffusé dans l'opinion a installé l'idée d'un scénario unique, celui d'un effondrement inéluctable et imminent de notre « civilisation thermo-industrielle ».
Pour ce faire, ils mêlent, dans une approche non dépourvue d'un certain scientisme, des phénomènes hétérogènes qui n'ont pas du tout le même degré de factualité et de certitude, comme l'effondrement de la biodiversité, en l'occurrence incontestable, ou l'épuisement des énergies fossiles, cette fois beaucoup moins assuré et datable qu'ils ne le disent (d'autant que la crise du coronavirus semble suggérer que le pic de la demande pourrait avoir été atteint avant le pic de l'offre).

Il découle de tout cela un discours très dépolitisé, pour la bonne raison qu'on ne peut pas lutter contre des processus inéluctables. On peut seulement tenter d'y survivre par un changement individuel et les collapsologues ont de plus en plus insisté sur la dimension psychologique d'un processus assimilable à une conversion spirituelle, dans les faits souvent empreinte de survivalisme et, parfois aussi, de beaucoup de détresse. Dans une vidéo récente (avec Partager, c'est sympa), Pablo Servigne a d'ailleurs admis qu'ils avaient jusqu'ici manqué à « politiser la question », donnant ainsi raison aux critiques avancées sur ce point.
Il a aussi reconnu qu'ils avaient sciemment recherché ce qui permettait d'avoir un impact psychologique maximal, mais, ce faisant, avaient « créé un monstre qui nous a largement dépassé ».

Pour toutes ces raisons, je préfère recourir à la notion de basculements (le pluriel est important). Elle permet d'insister sur une pluralité de scénarios possibles et sur l'extrême incertitude qui caractérise la période que nous vivons.

Un basculement, c'est un mouvement historique à la fois ample, relativement soudain et en grande partie imprévisible.
La notion convoque aussi l'idée d'un point de bascule où, du fait d'un effet de seuil, se produit une brusque accélération, comme c'est à craindre tout particulièrement dans la dynamique non linéaire du dérèglement climatique. A partir d'équilibres instables et de situations chaotiques, des basculements peuvent s'opérer dans plusieurs directions possibles.

De fait, aujourd'hui, l'instabilité et l'imprévisibilité l'emportent de plus en plus, comme en témoigne le rythme auquel se produisent des événements qui prennent tout le monde par surprise, comme par exemple l'irruption des Gilets jaunes, le cycle planétaire des soulèvements populaires de l'année 2019 ou encore la crise du coronavirus.

Par différence avec des périodes de plus grande stabilité structurelle, la probabilité de basculements multiples augmente, mais aussi, par conséquent, l'ouverture des possibles.

Analyser des basculements possibles est une tentative pour faire droit aux mouvements telluriques qui secouent notre époque, sans céder aux mirages d'une trajectoire historique unique et prédéterminée.
Rien n'est écrit par avance ; tout dépend des luttes entre les forces en présence et de ce que, individuellement et collectivement, nous ferons (ou pas).

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Message par merlin06 Lun 21 Juin 2021 - 10:23

En prenant un peu de recul sur cet interview on se rend compte de plusieurs biais:
-édulcoration assumée du mot effondrement
-accusation de scientisme envers les sciences dures utilisées par les collapso'
-manque de lucidité sur le pic pétrolier

Pour toutes ces raisons, je préfère recourir à la notion de basculements (le pluriel est important). Elle permet d'insister sur une pluralité de scénarios possibles et sur l'extrême incertitude qui caractérise la période que nous vivons.
Un basculement, c'est un mouvement historique à la fois ample, relativement soudain et en grande partie imprévisible.
Avec un peu de recul on sait que le retour au mode de vie "La petite maison dans la prairie" est certain, seules les formes de la transition laissent encore un peu de place à l'imagination.

De fait, aujourd'hui, l'instabilité et l'imprévisibilité l'emportent de plus en plus, comme en témoigne le rythme auquel se produisent des événements qui prennent tout le monde par surprise, comme par exemple l'irruption des Gilets jaunes, le cycle planétaire des soulèvements populaires de l'année 2019 ou encore la crise du coronavirus.
Imprévisibles les mouvements sociaux? Les "soulèvements populaires" de type "printemps arabe" sous influence politique des gros blocs... Imprévisible aussi le SRAS(version covid19)? Les précédents ne manquent pas, pour un historien c'est quand même très léger comme propos.

Bref un politiquementcorrectisme digne d'un universitaire(historien de l'image, cf sa thèse et la suite) bien dans son temps(né en 60...) et regrettant mollement un futur dont il refuse d'admettre l'entière réalité. Tant que ca vend du papier et une place au chaud... clind'oeil

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Message par Catharing Lun 21 Juin 2021 - 13:31

Salut,


Quadragénaire a écrit: bien dans son temps(né en 60...)
chaud
 
Ces théories (effondrement) s’appuient sur des exemples de société ayant en effet disparu comme les vikings au Groenland qui apparaît comme un exemple de plus en plus utilisé. La guerre, les difficultés économiques, une mauvaise adaptation à l’environnement, quelles sont les principales dynamiques ayant entraîné la fin de certaines sociétés ?

A mon sens, il est vain de chercher à déterminer des causalités générales de la fin des sociétés.
Il a existé au cours de l'histoire des systèmes sociaux radicalement différents les uns des autres : ils se sont heurtés à des difficultés spécifiques et leurs dynamiques de transformation et parfois de déclin sont liées, à chaque fois, à des faisceaux singuliers de causalités.

Pourtant, le livre de Jared Diamond, Effondrement, paru en 2005, doit son succès au fait d'avoir proposé un modèle général des causes de l'effondrement des sociétés dans le passé, permettant de comprendre, selon lui, ce qui menace celles d'aujourd'hui. Et, en effet, il a fait des Vikings du Groenland l'un de ses exemples privilégiés, aux côtés de l'île de Pâques, des Mayas et de quelques autres civilisations.

Son modèle est fondé sur une grille de cinq facteurs potentiellement à l'œuvre dans l'effondrement des sociétés (ils peuvent intervenir dans des proportions différentes et parfois, n'être pas tous présents) : les dommages causés à l'environnement par une surexploitation des ressources naturelles ; un changement dans le climat ; la présence de voisins hostiles ; la disparition de partenaires commerciaux et, enfin, les réponses apportées par la société à ses problèmes environnementaux.

Ce modèle a certes le mérite de mettre l'accent sur les questions environnementales, si cruciales aujourd'hui, mais il ne saurait satisfaire l'historien.
En effet, il laisse de côté tout ce qui fait la dynamique même des systèmes sociaux : l'organisation de la production et celle des institutions, les différents groupes sociaux et les tensions entre eux, la culture et les représentations collectives, etc.


Jared Diamond est un biologiste qui s'est intéressé à la bio-géographie et a voulu ensuite élaborer des considérations sur les sociétés humaines, mais son livre montre combien il peine à analyser les phénomènes sociaux.
Ainsi, il évoque sans cesse « la société », comme s'il s'agissait d'une entité homogène agissant de façon intentionnelle (son livre a pour sous-titre « Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie »).
Il n'accorde qu'une importance marginale au fait que les sociétés sont traversées par des phénomènes d'inégalités et de domination, comme par des affrontements entre des groupes et des intérêts divergents.


La clé pour lui tient à « la prise de conscience » de la société, et surtout à celle de ses dirigeants qui, pour peu qu'ils soient éclairés par les bonnes connaissances, peuvent prendre les bonnes décisions pour surmonter les problèmes et enrayer la tendance au déclin.

Au fond, son approche est tout sauf historique.

Elle repose sur le postulat que les problèmes d'hier et ceux d'aujourd'hui sont, à quelques variations près, de même nature – ce qui, au passage, tend à banaliser la crise écologique actuelle et conduit à en manquer l'intensité spécifique.

C'est pourquoi Jared Diamond pense que l'on peut « tirer les leçons pratiques des effondrements antérieurs », en identifiant les erreurs des élites qui n'ont pas su prendre conscience des dommages provoqués par l'exploitation excessive des ressources naturelles ; de même, repérer les « solutions qui se révèlent efficaces dans le passé » devrait aider à prendre aujourd'hui les bonnes mesures face aux défis écologiques actuels.

Mais l'idée que l'histoire pourrait nous enseigner comment agir dans le présent – ce que Cicéron appelait l'historia magistra vitae (l'histoire, maîtresse de vie) – relève d'une conception qui n'a plus cours depuis longtemps.

Les historiens travaillant sur cette question sont parfois pessimistes sur les capacités de nos sociétés à changer leurs modes de fonctionnement et de développement. Votre livre contient une part de prospective, voire un plaidoyer pour la fin du capitalisme et propose plusieurs scénarios de sortie de crise. Lequel vous semble le plus envisageable ?

D'abord, plutôt que d'attribuer un caractère monolithique au système capitaliste, il me semble pertinent d'identifier plusieurs tendances différentes, sinon contradictoires, à l'œuvre en son sein.

On peut ainsi évoquer une tension entre la poursuite d'un capitalisme fondé sur les énergies fossiles et associé à des tendances de plus en plus autoritaires, voire néo-fascistes, et l'affirmation possible d'un capitalisme vert, capable d'opérer une transition énergétique qui romprait son lien historique avec les énergies carbonées (ce qui ne signifie aucunement une véritable conversion écologique, car aussi vert qu'il puisse devenir, le capitalisme resterait animé par un impératif de croissance et par les mêmes logiques productivistes et extractivistes, donc destructrices des milieux du vivant).

Dans un contexte de crise systémique, du fait d'une croissance structurellement insuffisante et d'une rentabilité faiblissante de la production capitaliste (malgré les succès temporaires des politiques néoliberales pour la restaurer et l'enflure des profits issus de la sphère financière), on peut anticiper une accentuation des mouvements de désadhésion, qui touchent déjà un nombre croissant de cadres et d'ingénieurs, une multiplication des espaces alternatifs œuvrant à se libérer de la tyrannie marchande, une intensification des luttes visant à bloquer les rouages d'une machinerie économique qui artificialise les sols, intoxique l'atmosphère et détruit le vivant, ainsi qu'une multiplication des soulèvements populaires en quête de justice sociale et de démocratie réelle, mais surtout soucieux de préserver la possibilité d'une vie digne sur Terre – si ce n'est de la vie tout court.

D'une certaine manière, l'émergence d'autres mondes fondés sur la puissance du commun et sur l'entraide, sur la capacité collective d'auto-organisation et d'auto-gouvernement, sur la réintégration de l'humain au sein du vivant, a déjà commencé, au Chiapas zapatiste ou au Rojava kurde, mais aussi dans tant d'espaces libérés, des ZAD aux réseaux d'entraide et de coopération qui se créent au sein même des métropoles.

Leur possible multiplication et amplification permet de donner consistance à des scénarios post-capitalistes où s'épanouiraient des mondes du commun ayant pour principe fondamental le bien vivre de toutes et de tous, dans le respect des équilibres du vivant et la conscience d'une condition planétaire partagée par tous les habitants, humains et non humains de la Terre.
Le qualitatif du vivre humain (et non humain) deviendrait ainsi le cœur battant de l'organisation collective, à l'opposé du règne du quantitatif qu'impose aujourd'hui une économie mue par l'impératif d'accumulation illimitée du capital.

Et, quoiqu'il en soit des hypothétiques caractéristiques de possibles mondes post-capitalistes, on peut, en historien, rappeler une rare certitude.

L'univers capitaliste est un système socio-économique spécifique. Et comme tous les systèmes socio-économiques, il est historique, c'est-à-dire qu'il a un début et une fin. Mais la particularité du capitalisme devenue force globalisée – et même géologique – est sa capacité inédite à détruire les conditions de la vie de très nombreuses espèces, y compris peut-être celles de l'espèce humaine.


La question est donc de savoir si sa fin comme système historique – sous l'effet notamment des luttes pour faire émerger d'autres mondes – précédera l'effondrement des conditions de vie sur Terre ou bien si elle sera provoquée par celui-ci.

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C'est ça le problème avec la gnôle, songeai-je en me servant un verre. S'il se passe un truc moche, on boit pour essayer d'oublier; s'il se passe un truc chouette, on boit pour le fêter, et s'il ne se passe rien, on boit pour qu'il se passe quelque chose.
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Message par guino Mer 30 Juin 2021 - 8:03

De meme que le mouvement de la transition a été phagocyté par des ideologues entre new age et mix anarchie libérale ( au sens sociétal) anti capitaliste primaire anti état anti école ("méchante compétition", manque d épanouissement et bourrage de crane fasciste), la collapsologie va subir le meme genre de phenomene.

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